La chevauchée avait été longue depuis le pays savoisien mais le jeu en valait la chandelle. Nommé récemment ambassadeur, Sigebert plaçait beaucoup d'espoir dans cette nouvelle fonction et s'apprêtait à la prendre à cœur, tant elle le rapprochait quelque peu de la dignité sociale à laquelle il aspirait encore assez secrètement. Le lustre a quelque chose de fondamental dans la représentation d'un homme. Non seulement il avait acquis le droit de se voir donner de l'"Excellence", mais, qui plus est, il s'était efforcé de tout faire pour se conformer aussi prestement que possible à cette appellation. Et en particulier, il avait dépensé les quelques écus que ses affaires naissantes à Belley lui avaient acquis, en vue de monter un cheval et se donner l'apparat qu'il estimait nécessaire à la fonction diplomatique. Malheureusement, il n'avait point encore de secrétaire, valet ou quelconque larbin et était donc seul pour cette visite. Un manque dû sa volonté de partir pour Reims sans tarder après sa nomination, sans attendre de trouver un quelconque homme de confiance dans les rues belleysanes ou de s'en voir donner un par la Chancellerie de Savoie. Mais il ne s'en faisait pas pour l'avenir. Du reste, il ne doutait guère de ses talents et espérait que ceux-ci seraient en évidence très vite.
Arrivé au Castel Ratafia, sans descendre de cheval, il toisa les gardes de la porte et leur dit :
Faites annoncer à Son Excellence le Chambellan l'arrivée icelieu de Son Excellence Sigebert de Beyrac, récemment nommé Ambassadeur de Savoie.
Il s'agissait en vérité d'une première prise de contact visant avant tout à se présenter à son interlocuteur. Beyrac avait quelque peu potassé divers documents sur sa province d'affectation dont il ne connaissait que peu de chose jusqu'alors, et entendait donc faire connaissance davantage.